"Tant d'hommes envoyés sur ces terres comme des chiens tout-puissants,
se sont habitués à régner en petits tyrans,
A violer tant qu'ils voulaient,
A tuer sans conséquences,
A jouir en maître.
Tant d'hommes en ont asservi tant d'autres
En ne voyant même pas le mal…
Vernichtung
Le mot est planté en terre Et ne cessera de croître".
"So viele Männer,
die in diese Länder wie allmächtige Hunde auszogen -
sie haben sich daran gewöhnt, als kleine Tyrannen zu regieren,
um alles zu vergewaltigen, was sie wollten,
und zu töten ohne (rechtliche) Folgen,
und um sich als Meister aufzuspielen.
So viele Männer haben so viele andere versklavt.
Indem sie nicht einmal das Böse sahen ...
Vernichtung
Das Wort ist in den Boden gepflanzt
und wird nicht aufhören zu wachsen".
La boucherie de 14. Le traité de Versailles "une humiliation, nous le paierons". En attendant, l'Europe vit une parenthèse enchantée : les années 20. "L'Europe a besoin des seins de Joséphine et des poèmes de Cendrars". De courte durée, la parenthèse. 1933, "une odeur nouvelle envahit Berlin". Partout en Europe, on désigne les "Indésirables". Laurent Gaudé les cite tous : les Juifs en Allemagne, les Grecs en Turquie, les Turcs en Grèce, les Catalans, les révolutionnaires, les communistes, les Républicains, en Espagne … Les premiers camps de concentration ouvrent leurs portes en France.
La seconde guerre mondiale se prépare. Elle apporte avec elle les plus grands crimes contre l'humanité. "Et l'on s'arrête devant l'abîme, / Conscient de ne pouvoir que se taire". L'Europe s'est construite de sang, de larmes, mais aussi de lumières, rappelle le romancier. "Nous avons les héros en partage / Qui nous ont légué un continent plus vaste que nos pays / Une terre que nous devons habiter / Pour eux, / Dans le sens de l'intelligence." (Camus)
Parce qu'il nous explique pourquoi l'Europe d'aujourd'hui
ennuie ses concitoyens
Weil er erklärt, warum das heutige Europa seine Bürger nervt und langweilt.
C'est sans passion populaire que l'Europe telle qu'on la connaît aujourd'hui s'est construite, nous dit Laurent Gaudé, "et c'est peut-être-là sa faute originelle", ajoute-t-il, s'étonnant d'une telle naissance, sans révolution, sans embrasement, "sans volonté populaire qui renverse tout".
C'est sans passion populaire que l'Europe telle qu'on la connaît aujourd'hui s'est construite, nous dit Laurent Gaudé, "et c'est peut-être-là sa faute originelle", ajoute-t-il, s'étonnant d'une telle naissance, sans révolution, sans embrasement, "sans volonté populaire qui renverse tout".
Mais il fallait sans doute cela "après la fureur de la guerre, après les grandes foules fascinées par un seul homme aux mains tendues". Le romancier nous invite à observer la photographie prise en 1957, qui immortalise la naissance de l'Europe, "une grande tablée où tant d'hommes que nous ne connaissons pas signet des documents". Une nouvelle Europe est née, "sans passion, sans emportement. / La nuance. / Et le compromis".
Parce qu'il nous fait aimer cette Europe née dans la douleur, et accouchée
dans l'indifférence des peuples
Weil er uns dazu bringt, dieses Europa zu lieben, das im Schmerz geboren und angesichts der Gleichgültigkeit der Menschen zustande kam
Laurent Gaudé nous fait aimer cette Europe, comme on aime les ados même s'ils sont ingrats (dans tous les sens du terme) parce qu'ils sont aussi une promesse.
La Guerre froide, mai 68, les désillusions et la chute du mur de Berlin, qui ouvre la voie à l'élargissement. Que sera l'Europe de demain ? "Le territoire est vaste et nous ne le connaissons pas. Il y a une Europe à inventer", avance Laurent Gaudé. "Qui sommes-nous maintenant ? / Une nation de nations vaste, différente / Qui cherche le socle commun sur lequel elle pourra s'unir". Les Européens ont en commun d'avoir "traversé le feu", dit-il.
"Nous connaissons l'abîme, / nous avons été avalés par sa profondeur", mais l'Europe est aussi "un passé qui veut devenir une boussole". Comment s'y prendre ? "Grand banquet. / C'est cela qu'il nous faut, maintenant. / De l'ardeur / De la chair et du verbe !", invite le romancier. Redonner la sève à une Europe née de la raison, au "risque de devenir un grand corps vide". Donner chair à une Europe qui n'a pas comme but ultime de "dominer le monde", mais d'être "Pour le monde entier / le visage lumineux / De l'audace / De l'esprit / Et de la liberté".
Parce qu'il fait usage de la force du poète
Weil er die Kraft des Dichters nutzt
Laurent Gaudé, comme Hugo ou Camus, démontre magistralement que la littérature peut servir les idées. Là où les politiques, les éditorialistes échouent à nous convaincre, le poète emporte le morceau. Car si Laurent Gaudé nous raconte une histoire que nous connaissons déjà par cœur - nous l'avons étudiée à l'école dans les détails - il nous donne l'impression de l'entendre pour la première fois.
Il fait même mieux, il réussit à susciter l'émotion, l'enthousiasme, amorçant lui-même le mouvement qu'il appelle de ses vœux, un mouvement nourri "de la chair, et du verbe". Le romancier et dramaturge déroule son texte comme un long poème, comme une odyssée, comme un cri ininterrompu, qui nous emporte. On ne le lit pas, on se le déclame intérieurement.
Une bonne nouvelle: son texte est au programme du prochain Festival d'Avignon, dans une mise en scène de Roland Auzet, du 6 au 14 juillet 2019.
Eine gute Nachricht:
Der Text von Laurent Gaudé stand auf dem Programm des Festivals von Avignon unter der Leitung von Roland Auzet vom 6. bis 14. Juli 2019.
Une bonne nouvelle: son texte est au programme du prochain Festival d'Avignon, dans une mise en scène de Roland Auzet, du 6 au 14 juillet 2019.
Eine gute Nachricht:
Der Text von Laurent Gaudé stand auf dem Programm des Festivals von Avignon unter der Leitung von Roland Auzet vom 6. bis 14. Juli 2019.
Laurent Gaudé: Nous, l'Europe banquet des peuples
Arles (F): Actes Sud 2019, 192 pages, 17,80 euros
Arles (F): Actes Sud 2019, 192 pages, 17,80 euros
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Übersetzung: Reinhard Kirste
Lizenz: CC
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